DÉCOUVERTE D'UNE PRÉDISPOSITION GÉNÉTIQUE À LA TUBERCULOSE

DÉCOUVERTE D'UNE PRÉDISPOSITION GÉNÉTIQUE À LA TUBERCULOSE

Certaines personnes seraient plus vulnérables à la bactérie à l’origine de la tuberculose. Telle est la découverte qui vient d’être publiée dans Science Immunology par deux équipes Inserm de l’Institut Imagine, à l’Hôpital Universitaire Necker-Enfants malades AP-HP, et au Rockefeller Institute de New York.

Un européen sur 600 est porteur d’une altération des deux copies du gène TYK2, ce qui augmente leur risque de développer la tuberculose à la suite de l’exposition à la mycobactérie – Mycobacterium tuberculosis. C’est la première fois qu’une prédisposition monogénique est mise en évidence pour cette maladie infectieuse, qui touche 10,4 millions de malades dans le monde et cause 1,7 millions de morts par an.

Seules 10 % des personnes infectées par la mycobactérie développent effectivement la tuberculose. D’où vient cette résistance naturelle des 90% restants ? Un cas d’étude pour les équipes du Dr Laurent Abel et du Pr Jean-Laurent Casanova. Leurs laboratoires se consacrent de longue date à mieux comprendre les origines génétiques des maladies infectieuses sévères de l’enfant. « Il existe des déficits immunitaires acquis, comme le SIDA, qui augmentent le risque de développer la tuberculose mais aussi d’autres pathologies » explique Laurent Abel. Les individus ne sont alors plus en capacité de lutter contre les infections et l’exposition à des mycobactéries même peu virulentes devient une source de danger.

Une mutation fréquente qui rend vulnérable à l’infection…

C’est en analysant l’ADN de patients ayant développé une tuberculose que les équipes de Laurent Abel et Jean-Laurent Casanova ont révélé une variation du gène TYK2. Cette dernière rend les personnes concernées plus vulnérables à l’infection par la mycobactérieMycobacterium tuberculosis. « Il faut que les deux copies du gène – celle héritée de la mère et celle du père – soient mutées pour que le risque soit accru, précise le Pr Casanova. La présence de cette homozygotie bloque des voies de signalisation faisant intervenir les interleukines IL- 12 et IL-23 chargées de produire l’Interféron gamma, dont le rôle est de détruire les mycobactéries. »

En Europe, 1 individu sur 600 est porteur de cette homozygotie. Le principal foyer de la maladie a d’ailleurs été européen, du 17e à la moitié du 20e siècle. Sur les autres continents, cette altération des deux copies de TYK2 concerne entre 1 individu sur 1000 à 1 individu sur 10 000. Tant que les porteurs homozygotes ne sont pas en présence de la bactérie responsable de la tuberculose, il n’y a pas de risque. La tuberculose étant pratiquement éradiquée en Europe, le risque survient lorsque les individus se déplacent dans des régions endémiques de la tuberculose, par exemple en Afrique, Asie du Sud-Est, ou en Amérique latine.

… et permet de mieux comprendre un syndrome beaucoup plus rare

Parallèlement en explorant cette voie d’induction des interférons gamma, les chercheurs ont découvert qu’une déficience au niveau des récepteurs des interleukines IL-12 et IL-23 était aussi responsable du syndrome de prédisposition mendélienne aux infections mycobactériennes (MSMD). Les jeunes enfants porteurs de ces altérations génétiques développent une susceptibilité anormale à des mycobactéries peu virulentes pour le reste de la population et présentes dans l’eau du robinet ou le vaccin BCG par exemple. « Onze gènes de prédisposition au syndrome de prédisposition mendélienne aux infections mycobactériennes étaient à ce jour connus, rappelle Laurent Abel. Les altérations des gènes des récepteurs des interleukines IL-12 et IL-23 devront être ajoutés à cette liste. »

Les conséquences de ces altérations et surtout les moyens de les combattre varient d’un patient à l’autre. Les interleukines IL-12 et IL-23 interviennent dans des voies de signalisation dont la finalité est de produire l’interféron gamma qui détruit les cellules infectées par les mycobactéries. Chez les porteurs de telles mutations, l’injection d’interféron gamma pourrait alors être envisagée pour pallier cette déficience.

De même la mise au jour du mécanisme en jeu chez les patients porteurs d’une susceptibilité à la tuberculose offre des perspectives thérapeutiques : l’adjonction d’interféron gamma pourrait également devenir dans ce contexte une option thérapeutique intéressante.


En savoir plus sur la tuberculose

Aujourd’hui la tuberculose est l’une des 3 maladies infectieuses majeures dans le monde, avec 10,4 millions de nouveaux cas et 1,7 millions de décès par an. Dans certains pays un accroissement de l’incidence a été observé ces dernières années, notamment en raison du risque accru de développer cette infection chez les porteurs du VIH. Par ailleurs, de plus en plus de cas de résistance aux traitements par antibiotiques sont également à déplorer, ce qui rend les recherches d’alternatives thérapeutiques d’autant plus cruciales. Et elles découleront d’une meilleure connaissance des mécanismes de la maladie.


CONTACTS PRESSE :

Béatrice Parinello-Froment, beatriceparrinello@bpfconseil.com, 06 63 72 16 06

Justine Germond, justine@bpfconseil.com, 06 30 19 79 77


Sources :

Tuberculosis and impaired IL-23–dependent IFN–ɣ immunity in humans homozygous for a common TYK2 missense variant


Stéphanie Boisson-Dupuis1,2,3*†, Noe Ramirez-Alejo1†, Zhi Li4,5‡, Etienne Patin6,7,8‡, Geetha Rao9‡,Gaspard Kerner2,3‡, Che Kang Lim10,11‡, Dimitry N. Krementsov12‡, Nicholas Hernandez1, Cindy S. Ma9,13, Qian Zhang14, Janet Markle1, Ruben Martinez-Barricarte1, Kathryn Payne9, Robert Fisch1, Caroline Deswarte2,3, Joshua Halpern1, Matthieu Bouaziz2,3, Jeanette Mulwa1, Durga Sivanesan15,16, Tomi Lazarov17, Rodrigo Naves18, Patricia Garcia19, Yuval Itan1,20,21, Bertrand Boisson1,2,3, Alix Checchi2,3, Fabienne Jabot-Hanin2,3, Aurélie Cobat2,3, Andrea Guennoun14, Carolyn C. Jackson1,22, Sevgi Pekcan23, Zafer Caliskaner24, Jaime Inostroza25, Beatriz Tavares Costa-Carvalho26, Jose Antonio Tavares Albuquerque27, Humberto Garcia-Ortiz28, Lorena Orozco28, Tayfun Ozcelik29, Ahmed Abid30, Ismail Abderahmani Rhorfi31, Hicham Souhi30, Hicham Naji Amrani30, Adil Zegmout30, Frédéric Geissmann17, Stephen W. Michnick15, Ingrid Muller-Fleckenstein31, Bernhard Fleckenstein31, Anne Puel1,2,3, Michael J. Ciancanelli1, Nico Marr32, Hassan Abolhassani10,33, Maria Elvira Balcells34, Antonio Condino-Neto27, Alexis Strickler35, Katia Abarca36, Cory Teuscher37, Hans D. Ochs38, Ismail Reisli39, Esra H. Sayar39, Jamila El-Baghdadi40, Jacinta Bustamante1,2,3,41§, Lennart Hammarström10,11,42§, Stuart G. Tangye9,13§, Sandra Pellegrini4,5§, Lluis Quintana-Murci6,7,8§, Laurent Abel1,2,3||, Jean-Laurent Casanova1,2,3,43,44*|| Science Imunology

Human IFN-ɣ immunity to mycobacteria is governed by both IL-12 and IL-23

Ruben Martinez-Barricarte1*, Janet G. Markle1*†‡, Cindy S. Ma2§, Elissa K. Deenick2§, Noe Ramirez-Alejo1§, Federico Mele3§, Daniela Latorre3§, Seyed Alireza Mahdaviani4§, Caner Aytekin5§, Davood Mansouri4§, Vanessa Bryant6,7,8§, Fabienne Jabot-Hanin9, Caroline Deswarte9,10, Alejandro Nieto-Patlan9, Laura Surace11, Gaspard Kerner9,10, Yuval Itan1,12, Sandra Jovic3, Danielle T. Avery2, Natalie Wong2, Geetha Rao2, Etienne Patin13,14,15, Satoshi Okada16, Benedetta Bigio1, Bertrand Boisson1,9,10, Franck Rapaport1, Yoann Seeleuthner9,10, Monika Schmidt17, Aydan Ikinciogullari18, Figen Dogu18, Gonul Tanir19, Payam Tabarsi4, Mohammed Reza Bloursaz4, Julia K. Joseph1, Avneet Heer1, Xiao-Fei Kong1, Melanie Migaud9,10, Tomi Lazarov20, Frederic Geissmann20,21,22, Bernhard Fleckenstein17, Cecilia Lindestam Arlehamn23, Alessandro Sette23,24, Anne Puel1,9,10, Jean-Francois Emile25, Esther van de Vosse26, Lluis Quintana- Murci13,14,15, James P. Di Santo11, Laurent Abel1,9,10, Stephanie Boisson-Dupuis1,9,10‖, Jacinta Bustamante1,9,10,27‖, Stuart G. Tangye2‖, Federica Sallusto3,28‖, Jean-Laurent Casanova1,9,10,29,30‡ Science Imunology


À propos de l’AP-HP :

L’AP-HP est le premier centre hospitalier universitaire d’Europe, organisé autour des 7 Universités de Paris et de la région Ile-de-France. Elle est étroitement liée à tous les grands organismes de recherche (CNRS, INSERM, CEA, INRA, Institut Pasteur, etc.) dans le cadre d’unités mixtes de recherche de ses 10 groupes hospitaliers. Elle compte trois Instituts Hospitalo-Universitaires d’envergure mondiale. Acteur majeur de la recherche appliquée et de l’innovation en santé, le CHU de Paris a créé un maillage de structures d’appui à l’organisation de la recherche et à l’investigation : 14 unités de recherche clinique, 17 centres d’investigation clinique, 4 centres de recherche clinique et 2 centres pour les essais précoces, 12 plateformes de collections biologiques, 2 sites intégrés de recherche sur le cancer, un entrepôt de données de santé recueillant les données de soins des 8 millions de patients vus chaque année. Les chercheurs de l’AP-HP signent annuellement près de 10 000 publications scientifiques et plus de 4 450 projets de recherche sont aujourd’hui en cours de développement, à promotion académique ou industrielle, nationaux, européens et internationaux. Détentrice d’un portefeuille de plus de 500 brevets, de bases de données et de matériels biologiques uniques, l’AP-HP valorise les travaux de recherche remarquables des biologistes et cliniciens chercheurs de ses hôpitaux. Près de la moitié des innovations brevetées sont licenciées à des entreprises du monde entier et sont à l’origine de la création de près de 60 jeunes entreprises. http://www.aphp.fr

À propos de l’Hôpital universitaire Necker-Enfants malades AP-HP :

L’hôpital universitaire Necker-Enfants malades propose l’ensemble des spécialités médicales et chirurgicales pédiatriques, un service d’accueil des urgences pédiatriques, une maternité de type 3 et des services adultes très spécialisés (néphrologie, transplantation rénale, hématologie, maladies infectieuses). Il est le siège du SAMU 75, AP-HP. Hôpital de recours pour le traitement de pathologies lourdes et complexes, ses équipes ont développé une approche médicale de haut niveau grâce à la forte synergie entre les unités cliniques, le plateau technique et les unités de recherche qui font de l’hôpital un acteur important de la recherche clinique avec plus de 500 projets en cours. Il abrite près de 60 centres de référence ou de compétence de maladies rares. Ses 5 000 professionnels prennent en charge plus de 500 000 patients par an, dont près de 17% viennent de province ou de l’étranger.

À propos de l’Institut Imagine :

Premier pôle européen de recherche, de soins et d’enseignement sur les maladies génétiques, l’Institut Imagine a pour mission de les comprendre et les guérir. L’Institut rassemble 900 des meilleurs médecins, chercheurs et personnels de santé dans une architecture créatrice de synergies. C’est ce continuum inédit d’expertises, associé à la proximité des patients, qui permet à Imagine d’accélérer les découvertes et leurs applications au bénéfice des malades. L’Institut a été labélisé « Tremplin Carnot » en 2016 par le Ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. www.institutimagine.org

À propos de l’Université Paris Descartes :

L’Université Paris Descartes, l’université des sciences de l’Homme et de la santé à Paris. Avec ses 9 Unités de Formation et de Recherche (UFR) et son IUT, l’Université Paris Descartes couvre l’ensemble des connaissances en sciences de l’Homme et de la santé. Seule université francilienne réunissant médecine, pharmacie, dentaire et maïeutique, son pôle santé est internationalement reconnu pour la qualité de ses formations et l’excellence de sa recherche.